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À la demande de la CNAPE, j’ai remis récemment un rapport intitulé « Les enfants de l’exil », consacré aux mineurs non accompagnés. Je l'ai réalisé avec l’aide des associations adhérentes et la contribution majeure de l’ALEFPA.

UNE URGENCE MORALE ET POLITIQUE

Nombre de Mineurs Non Accompagnés sont arrivés en France et sont confrontés à des situations inacceptables qui sont contraires aux engagements de la France en matière de respect des droits de l’enfant. Certes, les tensions et l’émotion résultant de plusieurs situations de violence renforcent les attitudes sécuritaires et rendent plus difficile le respect de ces droits. Cependant, l’hétérogénéité des politiques départementales et des pratiques de terrain rendent nécessaire un nouvel examen de la situation, de manière à renouveler le dialogue avec les pouvoirs publics et accompagner les acteurs associatifs. Au même moment, la Cour des comptes fait état dans un rapport à propos de la Protection de l’enfance « d’une politique inadaptée au temps de l’enfant » et l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) prône la création d’un nouvel organisme national dans le champ de la protection de l’enfance. Leurs constats et recommandations viennent amplement confirmer les nôtres. Et pendant ce temps là, des jeunes issus de l’Aide sociale à l’enfance sont de plus en plus nombreux dans les rangs de la pauvreté et des sans domicile fixe.
Hétérogénéité des éléments de connaissance et des pratiques

Les mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille  viennent aux deux tiers d’Afrique de l’ouest et subsaharienne. Ils viennent également du sous continent indien (Inde, Bangladesh, Népal) ainsi que d’Afghanistan, du Pakistan, de l’Albanie et du Maghreb. Leur périple migratoire est souvent traumatisant, tandis que les réseaux mafieux de traite des êtres humains demeurent très actifs. Entre les 16760 jeunes migrants déclarés Mineurs Non Accompagnés par décision judiciaire (cellule MNA 2019) et les 40 000 pris en charge par les Départements, le débat politique et démocratique ne gagne pas en clarté.
À ce premier constat de la multiplicité des sources de connaissance et des chiffres avancés s’ajoute celui de la variabilité des pratiques d’évaluation et de l’insuffisante prise en compte de la vulnérabilité de ces jeunes au profit d’une supposée maitrise des flux migratoires. La procédure d’évaluation de la minorité est menée souvent à charge : le ministre Gérald Darmanin n’a-t-il pas déclaré qu’il faut mettre fin à la « présomption de minorité » ?
Nos entretiens conduisent au constat d’une forte mobilisation associative mandatée par les pouvoirs publics, qui contribue à faire progresser le professionnalisme des travailleurs sociaux. Pour autant, les politiques tarifaires départementales se répartissent entre 15 et 200 euros, pour une grande variation des modalités d’accueil et de prise en charge. La diversité des besoins n’explique pas tout.
Les délais de procédure peuvent être également source de mise en danger de ces jeunes. La pluralité d’acteurs au plan national et des territoires et des niveaux de responsabilité et de prise de décision qui coexistent plus qu'ils ne s’articulent, s’ajoutent à la faiblesse des coordinations ou des coopérations en dépit d’initiatives locales encourageantes et d’engagements conjoints qui sont également observés. Les 60 entretiens que nous avons conduits avec les responsables opérationnels montrent aussi des difficultés importantes d’accès aux dispositifs de droit commun comme l’accès au compte bancaire, au droit au séjour, au logement, à la santé... Il existe aussi des territoires de passage ou de concentration où nombre de jeunes veulent éviter toute prise en charge et où l’action humanitaire a des difficultés à s’articuler sur les professionnels de la Protection de l’enfance.
De manière générale, le droit de l’immigration vient fixer les limites du droit à la protection de l’enfance et concourt à aggraver les situations de vulnérabilité et de grande précarité. Cela freine aussi et complexifie les possibilités d’inclusion sociale et professionnelle au terme des 18 ans.


REPLAÇONS LA VULNÉRABILITÉ AU CŒUR DES DISPOSITIFS

Il faut dépasser la pensée binaire de la tension constatée entre les aléas de la maitrise des flux migratoires et les exigences qui s’attachent à la protection de l’enfance. Les « enfants de l’exil » sont des personnes vulnérables ; et nul soupçon érigé en méthode ne saurait exonérer quiconque du respect de la Convention internationale des droits de l’enfant, que la France a ratifiée. La vulnérabilité est devenue un enjeu majeur de notre société et ces mineurs non accompagnés cumulent précisément nombre de critères de vulnérabilité, liés à leur âge, leur isolement, leur parcours et leur environnement. Il y a ici une impérieuse nécessité d’agir, en alliant l’éthique de la conviction et celle de la responsabilité.


DES PRINCIPES STRUCTURANTS POUR AGIR

L’ensemble des propositions du rapport se réfèrent :
Au droit à la sécurité et au respect de la dignité de tout être humain, en particulier ceux qui relèvent de la Protection de l’enfance.
A la prise en compte des besoins fondamentaux de l’enfant et du jeune.
A l’ambition portée par l’éducation, l’apprentissage de la citoyenneté, l’inclusion sociale et la possibilité d’appartenance à la société d’accueil
A la sécurisation du parcours des enfants de l’exil, et leur accompagnement bienveillant en sortie de dispositif de la Protection de l’enfance.


POUR UNE CONVENTION D’ENGAGEMENTS RÉCIPROQUES

Pour dépasser les constats rassemblés, renforcer le pilotage national et l’articulation des acteurs de l’accueil et de l’accompagnement au niveau territorial, consolider les pratiques encourageantes et surmonter les freins et dysfonctionnements, je propose que le Premier ministre, Jean Castex, donne l’impulsion nécessaire à l’élaboration et à la signature d’une convention d’engagements réciproques entre l’Etat dans sa dimension interministérielle, l’ensemble des Départements et les associations compétentes. On pourrait également saisir l’Association des maires de France en ce sens.
Cette démarche de contractualisation permettrait de renforcer un pilotage concerté tant au niveau national que territorial. Elle garantirait une cohérence tarifaire des services à rendre, une continuité qualitative de la mise en œuvre du référentiel d’évaluation et de celui de l’accompagnement que nous proposons. Cette convention encouragerait également la réalisation d’un grand programme de formation conjointe et de qualification des personnels de services publics et des associations permettant une montée en qualité globale des services rendus.Le pilotage et l’évaluation d’un tel engagement global donnerait lieu à un rapport annuel au gouvernement. La convention serait déclinée au niveau départemental pour permettre aux partenaires de prendre en compte les spécificités territoriales.


UN RÉFÉRENTIEL DE L’ACCOMPAGNEMENT

Il est urgent de stabiliser et de mettre en œuvre de façon concertée un référentiel de l’accompagnement qui conduit à labelliser la qualité des lieux et des dispositifs d’hébergement, et des équipes pluridisciplinaires garantissant la qualité de la prise en charge. Le rapport présente des propositions précises qui concernent l’accès à la scolarité, le droit à la santé, à l’insertion professionnelle, l’information garantissant l’accès aux droits, la possibilité d’accéder à l’activité physique, sportive, culturelle et au développement des liens sociaux. Il faut lutter contre les ruptures d’accompagnement qui viendraient annuler l’investissement social engagé dans la protection de l’enfance. La mobilisation des dispositifs de droit commun est partie intégrante d’un tel référentiel.


QUELQUES RECOMMANDATIONS PRIORITAIRES

Agir au niveau européen pour une coopération renforcée en matière de production de connaissances sur le fait migratoire, pour une coopération entre les chercheurs et les professionnels, pour une politique concertée d’accueil et d’accompagnement et pour une lutte contre les réseaux mafieux de traite des êtres humains
Soutenir la coopération locale entre l’action humanitaire, la veille sociale et l’intervention des professionnels de la protection de l’enfance
Élargir les compétences des observatoires de l’enfance à l’identification des situations de discrimination
Systématiser l’ouverture des lieux d’accueil d’urgence dans les zones sensibles et fluidifier dans les meilleurs délais possibles le recours au Parquet, au juge et aux services départementaux
Mobiliser des équipes mobiles pluridisciplinaires déjà expérimentées dans le secteur du handicap et de la protection de l’enfance pour les cas complexes et adaptées aux besoins spécifiques des jeunes migrants
Supprimer toute discrimination fondée sur l’âge d’arrivée en France des mineurs
Développer le recours aux contrats « jeunes majeurs » pour éviter les ruptures brutales de parcours qui viendraient alimenter l’insécurité sociale et la grande précarité, avec toutes les dérives qui en résultent.
Systématiser par souci de simplification et d’humanité la régularisation du droit au séjour pour les mineurs pris en charge par la protection de l’enfance.

Nos 50 propositions relèvent le défi de la solidarité et de la sécurité. Le gouvernement tout autant que les collectivités territoriales seraient bien inspirés d’entendre la voix et l’expérience des associations, qui constituent une source de confiance, de lien social et d’engagement solidaire. Et la France s’honorerait de porter à l’échelle européenne et internationale, avec force et vigueur, cette volonté de prendre soin des mineurs non accompagnés et de porter ainsi témoignage de l’importance vitale de l’investissement social et de la solidarité.


Michel Caron
Président de l'ALEFPA

 

MNA : Dans l'angle mort de la protection de l'enfance

L’accueil et l’accompagnement des MNA s'inscrit à la fois  dans la politique de protection de l’enfance et dans la politique migratoire. Quel est alors le niveau de relation et de primauté de l’une ou l’autre politique publique dans l’accompagnement des MNA ?

La nature du lien entre le cadre législatif de la protection de l’enfance et celui des lois migratoires montre que si les MNA entrent naturellement dans la protection de l’enfance, en tant que « mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de la famille », (formulation de la loi du 14 mars 2016), les lois de l’immigration subordonnent la protection de l’enfance dans la mise en œuvre de l’accueil et l’accompagnement des MNA. Cette subordination n’est pas sans conséquence sur une approche du travail en Protection de l’enfance dont l’enjeu de la loi de 2016 était de la « sortir de son angle mort ».


DEUX REFERENTIELS


L’évolution législative de la protection de l’enfance depuis plus de 10 ans se dirige vers un processus de changement où l’inclusion trouve sa place. Même si cette politique publique reste très fortement conditionnée par son appartenance historique au référentiel de la politique des familles, l’accompagnement des MNA intègre de nouvelles normes d’action au sein de la protection de l’enfance. Les lois d’immigration, en exigeant de démontrer qu’il existe un parcours d’insertion et scolaire, structurent leur accompagnement. Et les conditions d’accès à la régularisation, via ce parcours d’intégration, déterminent la manière dont les Départements vont construire leurs dispositifs et les travailleurs sociaux leurs modalités d’accompagnement.


DISPOSITIFS SPECIFIQUES


Face à cette « cohabitation » de deux référentiels d’action (protection de l’enfance et politique migratoire), les départements ont développé des dispositifs spécifiques d’accompagnement de MNA. Leur multiplication renouvelle les enjeux de la protection de l’enfance en faisant émerger de « nouveaux besoins » et de nouvelles « pratiques organisées ». Cela concerne les conditions d’insertion des jeunes MNA sortants de la Protection de l’enfance mais aussi la question de l’inclusion, qui ne peut être déconnectée d’un travail sur les mécanismes discriminatoires inscrits dans les parcours d’accompagnement (freins et blocages sur l’emploi, le logement, les comptes bancaires, la santé, la scolarisation…). Cela oblige les travailleurs sociaux à travailler à de nouvelles coopérations pour avancer dans la construction des parcours, de la saisine du Défenseur des droits aux co-constructions et aux nouvelles coopération avec des acteurs locaux pour trouver des solutions aux freins dans les parcours.
Si l’accompagnement des MNA construit son référentiel d’action à la fois dans la protection  de l'enfance avec des acteurs institutionnels et professionnels classiques et hors de cette protection, on constate que les interventions des professionnels de l’Aide sociale à l’enfance participent à étendre leur champ d’action traditionnel, ne serait-ce que pour combler les « trous » du système de protection.


NOUVELLES COOPERATIONS


Ces réalités augmentent la capacité d’expertise des professionnels dans leurs relations avec les publics, avec les dispositifs d’accompagnement, avec les logiques institutionnelles et plus généralement dans leur rapport traditionnel avec la Protection de l’enfance. Paradoxalement cela peut constituer une des conditions pour « sortir la Protection de l’enfance de son angle mort ».

Guillaume Logez,

directeur du dispositif d’accueil MNA de la Métropole lilloise

À la demande de la CNAPE, j’ai remis récemment un rapport intitulé « Les enfants de l’exil », consacré aux mineurs non accompagnés. Je l'ai réalisé avec l’aide des associations adhérentes et la contribution majeure de l’ALEFPA.

UNE URGENCE MORALE ET POLITIQUE

Nombre de Mineurs Non Accompagnés sont arrivés en France et sont confrontés à des situations inacceptables qui sont contraires aux engagements de la France en matière de respect des droits de l’enfant. Certes, les tensions et l’émotion résultant de plusieurs situations de violence renforcent les attitudes sécuritaires et rendent plus difficile le respect de ces droits. Cependant, l’hétérogénéité des politiques départementales et des pratiques de terrain rendent nécessaire un nouvel examen de la situation, de manière à renouveler le dialogue avec les pouvoirs publics et accompagner les acteurs associatifs. Au même moment, la Cour des comptes fait état dans un rapport à propos de la Protection de l’enfance « d’une politique inadaptée au temps de l’enfant » et l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) prône la création d’un nouvel organisme national dans le champ de la protection de l’enfance. Leurs constats et recommandations viennent amplement confirmer les nôtres. Et pendant ce temps là, des jeunes issus de l’Aide sociale à l’enfance sont de plus en plus nombreux dans les rangs de la pauvreté et des sans domicile fixe.
Hétérogénéité des éléments de connaissance et des pratiques

Les mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille  viennent aux deux tiers d’Afrique de l’ouest et subsaharienne. Ils viennent également du sous continent indien (Inde, Bangladesh, Népal) ainsi que d’Afghanistan, du Pakistan, de l’Albanie et du Maghreb. Leur périple migratoire est souvent traumatisant, tandis que les réseaux mafieux de traite des êtres humains demeurent très actifs. Entre les 16760 jeunes migrants déclarés Mineurs Non Accompagnés par décision judiciaire (cellule MNA 2019) et les 40 000 pris en charge par les Départements, le débat politique et démocratique ne gagne pas en clarté.
À ce premier constat de la multiplicité des sources de connaissance et des chiffres avancés s’ajoute celui de la variabilité des pratiques d’évaluation et de l’insuffisante prise en compte de la vulnérabilité de ces jeunes au profit d’une supposée maitrise des flux migratoires. La procédure d’évaluation de la minorité est menée souvent à charge : le ministre Gérald Darmanin n’a-t-il pas déclaré qu’il faut mettre fin à la « présomption de minorité » ?
Nos entretiens conduisent au constat d’une forte mobilisation associative mandatée par les pouvoirs publics, qui contribue à faire progresser le professionnalisme des travailleurs sociaux. Pour autant, les politiques tarifaires départementales se répartissent entre 15 et 200 euros, pour une grande variation des modalités d’accueil et de prise en charge. La diversité des besoins n’explique pas tout.
Les délais de procédure peuvent être également source de mise en danger de ces jeunes. La pluralité d’acteurs au plan national et des territoires et des niveaux de responsabilité et de prise de décision qui coexistent plus qu'ils ne s’articulent, s’ajoutent à la faiblesse des coordinations ou des coopérations en dépit d’initiatives locales encourageantes et d’engagements conjoints qui sont également observés. Les 60 entretiens que nous avons conduits avec les responsables opérationnels montrent aussi des difficultés importantes d’accès aux dispositifs de droit commun comme l’accès au compte bancaire, au droit au séjour, au logement, à la santé... Il existe aussi des territoires de passage ou de concentration où nombre de jeunes veulent éviter toute prise en charge et où l’action humanitaire a des difficultés à s’articuler sur les professionnels de la Protection de l’enfance.
De manière générale, le droit de l’immigration vient fixer les limites du droit à la protection de l’enfance et concourt à aggraver les situations de vulnérabilité et de grande précarité. Cela freine aussi et complexifie les possibilités d’inclusion sociale et professionnelle au terme des 18 ans.


REPLAÇONS LA VULNÉRABILITÉ AU CŒUR DES DISPOSITIFS

Il faut dépasser la pensée binaire de la tension constatée entre les aléas de la maitrise des flux migratoires et les exigences qui s’attachent à la protection de l’enfance. Les « enfants de l’exil » sont des personnes vulnérables ; et nul soupçon érigé en méthode ne saurait exonérer quiconque du respect de la Convention internationale des droits de l’enfant, que la France a ratifiée. La vulnérabilité est devenue un enjeu majeur de notre société et ces mineurs non accompagnés cumulent précisément nombre de critères de vulnérabilité, liés à leur âge, leur isolement, leur parcours et leur environnement. Il y a ici une impérieuse nécessité d’agir, en alliant l’éthique de la conviction et celle de la responsabilité.


DES PRINCIPES STRUCTURANTS POUR AGIR

L’ensemble des propositions du rapport se réfèrent :
Au droit à la sécurité et au respect de la dignité de tout être humain, en particulier ceux qui relèvent de la Protection de l’enfance.
A la prise en compte des besoins fondamentaux de l’enfant et du jeune.
A l’ambition portée par l’éducation, l’apprentissage de la citoyenneté, l’inclusion sociale et la possibilité d’appartenance à la société d’accueil
A la sécurisation du parcours des enfants de l’exil, et leur accompagnement bienveillant en sortie de dispositif de la Protection de l’enfance.


POUR UNE CONVENTION D’ENGAGEMENTS RÉCIPROQUES

Pour dépasser les constats rassemblés, renforcer le pilotage national et l’articulation des acteurs de l’accueil et de l’accompagnement au niveau territorial, consolider les pratiques encourageantes et surmonter les freins et dysfonctionnements, je propose que le Premier ministre, Jean Castex, donne l’impulsion nécessaire à l’élaboration et à la signature d’une convention d’engagements réciproques entre l’Etat dans sa dimension interministérielle, l’ensemble des Départements et les associations compétentes. On pourrait également saisir l’Association des maires de France en ce sens.
Cette démarche de contractualisation permettrait de renforcer un pilotage concerté tant au niveau national que territorial. Elle garantirait une cohérence tarifaire des services à rendre, une continuité qualitative de la mise en œuvre du référentiel d’évaluation et de celui de l’accompagnement que nous proposons. Cette convention encouragerait également la réalisation d’un grand programme de formation conjointe et de qualification des personnels de services publics et des associations permettant une montée en qualité globale des services rendus.Le pilotage et l’évaluation d’un tel engagement global donnerait lieu à un rapport annuel au gouvernement. La convention serait déclinée au niveau départemental pour permettre aux partenaires de prendre en compte les spécificités territoriales.


UN RÉFÉRENTIEL DE L’ACCOMPAGNEMENT

Il est urgent de stabiliser et de mettre en œuvre de façon concertée un référentiel de l’accompagnement qui conduit à labelliser la qualité des lieux et des dispositifs d’hébergement, et des équipes pluridisciplinaires garantissant la qualité de la prise en charge. Le rapport présente des propositions précises qui concernent l’accès à la scolarité, le droit à la santé, à l’insertion professionnelle, l’information garantissant l’accès aux droits, la possibilité d’accéder à l’activité physique, sportive, culturelle et au développement des liens sociaux. Il faut lutter contre les ruptures d’accompagnement qui viendraient annuler l’investissement social engagé dans la protection de l’enfance. La mobilisation des dispositifs de droit commun est partie intégrante d’un tel référentiel.


QUELQUES RECOMMANDATIONS PRIORITAIRES

Agir au niveau européen pour une coopération renforcée en matière de production de connaissances sur le fait migratoire, pour une coopération entre les chercheurs et les professionnels, pour une politique concertée d’accueil et d’accompagnement et pour une lutte contre les réseaux mafieux de traite des êtres humains
Soutenir la coopération locale entre l’action humanitaire, la veille sociale et l’intervention des professionnels de la protection de l’enfance
Élargir les compétences des observatoires de l’enfance à l’identification des situations de discrimination
Systématiser l’ouverture des lieux d’accueil d’urgence dans les zones sensibles et fluidifier dans les meilleurs délais possibles le recours au Parquet, au juge et aux services départementaux
Mobiliser des équipes mobiles pluridisciplinaires déjà expérimentées dans le secteur du handicap et de la protection de l’enfance pour les cas complexes et adaptées aux besoins spécifiques des jeunes migrants
Supprimer toute discrimination fondée sur l’âge d’arrivée en France des mineurs
Développer le recours aux contrats « jeunes majeurs » pour éviter les ruptures brutales de parcours qui viendraient alimenter l’insécurité sociale et la grande précarité, avec toutes les dérives qui en résultent.
Systématiser par souci de simplification et d’humanité la régularisation du droit au séjour pour les mineurs pris en charge par la protection de l’enfance.

Nos 50 propositions relèvent le défi de la solidarité et de la sécurité. Le gouvernement tout autant que les collectivités territoriales seraient bien inspirés d’entendre la voix et l’expérience des associations, qui constituent une source de confiance, de lien social et d’engagement solidaire. Et la France s’honorerait de porter à l’échelle européenne et internationale, avec force et vigueur, cette volonté de prendre soin des mineurs non accompagnés et de porter ainsi témoignage de l’importance vitale de l’investissement social et de la solidarité.


Michel Caron
Président de l'ALEFPA

 

MNA : Dans l'angle mort de la protection de l'enfance

L’accueil et l’accompagnement des MNA s'inscrit à la fois  dans la politique de protection de l’enfance et dans la politique migratoire. Quel est alors le niveau de relation et de primauté de l’une ou l’autre politique publique dans l’accompagnement des MNA ?

La nature du lien entre le cadre législatif de la protection de l’enfance et celui des lois migratoires montre que si les MNA entrent naturellement dans la protection de l’enfance, en tant que « mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de la famille », (formulation de la loi du 14 mars 2016), les lois de l’immigration subordonnent la protection de l’enfance dans la mise en œuvre de l’accueil et l’accompagnement des MNA. Cette subordination n’est pas sans conséquence sur une approche du travail en Protection de l’enfance dont l’enjeu de la loi de 2016 était de la « sortir de son angle mort ».


DEUX REFERENTIELS


L’évolution législative de la protection de l’enfance depuis plus de 10 ans se dirige vers un processus de changement où l’inclusion trouve sa place. Même si cette politique publique reste très fortement conditionnée par son appartenance historique au référentiel de la politique des familles, l’accompagnement des MNA intègre de nouvelles normes d’action au sein de la protection de l’enfance. Les lois d’immigration, en exigeant de démontrer qu’il existe un parcours d’insertion et scolaire, structurent leur accompagnement. Et les conditions d’accès à la régularisation, via ce parcours d’intégration, déterminent la manière dont les Départements vont construire leurs dispositifs et les travailleurs sociaux leurs modalités d’accompagnement.


DISPOSITIFS SPECIFIQUES


Face à cette « cohabitation » de deux référentiels d’action (protection de l’enfance et politique migratoire), les départements ont développé des dispositifs spécifiques d’accompagnement de MNA. Leur multiplication renouvelle les enjeux de la protection de l’enfance en faisant émerger de « nouveaux besoins » et de nouvelles « pratiques organisées ». Cela concerne les conditions d’insertion des jeunes MNA sortants de la Protection de l’enfance mais aussi la question de l’inclusion, qui ne peut être déconnectée d’un travail sur les mécanismes discriminatoires inscrits dans les parcours d’accompagnement (freins et blocages sur l’emploi, le logement, les comptes bancaires, la santé, la scolarisation…). Cela oblige les travailleurs sociaux à travailler à de nouvelles coopérations pour avancer dans la construction des parcours, de la saisine du Défenseur des droits aux co-constructions et aux nouvelles coopération avec des acteurs locaux pour trouver des solutions aux freins dans les parcours.
Si l’accompagnement des MNA construit son référentiel d’action à la fois dans la protection  de l'enfance avec des acteurs institutionnels et professionnels classiques et hors de cette protection, on constate que les interventions des professionnels de l’Aide sociale à l’enfance participent à étendre leur champ d’action traditionnel, ne serait-ce que pour combler les « trous » du système de protection.


NOUVELLES COOPERATIONS


Ces réalités augmentent la capacité d’expertise des professionnels dans leurs relations avec les publics, avec les dispositifs d’accompagnement, avec les logiques institutionnelles et plus généralement dans leur rapport traditionnel avec la Protection de l’enfance. Paradoxalement cela peut constituer une des conditions pour « sortir la Protection de l’enfance de son angle mort ».

Guillaume Logez,

directeur du dispositif d’accueil MNA de la Métropole lilloise

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